La mégapole new-yorkaise est un vaste agrégat de carrefours en tous genres où se croisent flux humains, culturels, financiers, matériels et informationnels.
Les rues perpendiculaires de la grande pomme structurent les allées et venues de ses habitants et les croisements qui les ponctuent imposent leur propre tempo à la vie citadine. C’est donc sur le rythme que porte la première dimension de mon travail. Il s’agit tout d’abord de concevoir les carrefours qui parsèment New York comme des espaces propices à la suspension des corps — et à l’acte photographique — où les piétons, forcés à l’expectative, prennent le temps d’observer avec attention leur environnement avant de s’élancer.
Alors que l’on tend bien souvent à insister sur le perpétuel mouvement d’une ville que l’on veut tournée vers l’avenir, il m’a au contraire paru fondamental de m’intéresser aux moments d’inaction de ses habitants. Cette suspension du quotidien peut revêtir deux réalités bien différentes : alors que nombre de piétons attendent aux croisements en vue de pouvoir reprendre leur route, de pouvoir agir à nouveau, d’autres au contraire, sont à l’arrêt et prennent le temps de savourer la pause.
Arrêt imposée par la ville, pause choisie par des habitants, deux dimensions de la cassure du rythme citadin toutes deux capturées par la photographie.
Mais les croisements sont également des espaces d’interaction, où se multiplient les rencontres éphémères entre les corps et les esprits, les jeux de regards et d’évitement, la mémorisation et l’oubli. Des individus d’origines et de cultures différentes s’entrecroisent. Certains se mélangent, d’autres non. Certains avancent droit, d’autres slaloment. Les costumes trois-pièces côtoient les voiles et les survêtements, les chapeaux frôlent les turbans.
Il convient cependant d’éviter de considérer les croisements new-yorkais dans leur seule dimension horizontale, car New York est également le théâtre d’un intense dialogue entre horizontalité et verticalité. Les larges rues de la mégalopole dialoguent avec ses immeubles et ses gratte-ciels. En l’air, les lignes téléphoniques communiquent avec les innombrables câbles électriques qui parcourent la ville. En bas les hommes, en haut les oiseaux.